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Concours de nouvelles – Festival “Etonnants voyageurs” – Edition 2021

Les 6e1, les 6e5 et quelques élèves de 3e ont participé cette année au concours de nouvelles proposé par le festival Etonnants voyageurs. Ils devaient rédiger la suite d’un début de récit rédigé par Frank Bouysse, auteur contemporain de romans noirs. Bravo à tous les écrivains en herbe ! Nous avons félicité en particulier deux élèves de 6e5, Gabriel DEVENEY-FERRIER et Tao DOUX qui ont été classés parmi les cinq finalistes de l’académie de Lyon. Découvrez chacun de ces deux récits dans la suite de cet article. Leur lecture donne des sueurs froides ! Le début en italique est l’incipit proposé par Frank Bouysse.

Gabriel DEVENEY-FERRIER, “Terreur à la rivière”

La pluie venait tout juste de cesser de tomber. Simon sortit de la voiture puis ouvrit le hayon et le chien sauta à terre. Simon laissa l’animal se dégourdir les pattes, le temps qu’il enfile sa veste et attrape sa canne à pêche et son panier.

Tenant le chien en laisse, Simon emprunta l’abrupt chemin de halage qui menait à la rivière. Dans un virage, il y avait des dizaines de troncs de sapins calibrés, soigneusement empilés et marqués à la peinture rouge, qui attendaient qu’on vienne les chercher. Une fois parvenu sur la berge, Simon remonta la rivière sur une centaine de mètres, jusqu’à l’endroit où se trouvait sa barque cachée sous une épaisse couche de fougères. Il attacha la laisse à un arbrisseau. Le chien était nerveux, tirant sur la laisse en direction de l’aval et couinant comme un rongeur pris dans une nasse. Simon déposa la canne et le panier au sol. Il entendit alors un craquement dans son dos, comme une branche qui se brise. Il se retourna, mais ne vit personne, ni rien d’anormal dans le décor. Le chien se mit à aboyer. Simon le fit taire, puis retira les fougères et entreprit de retourner la barque pour la pousser jusqu’à l’eau. Ce fut au moment où la coque basculait que Simon comprit qu’il n’irait pas pêcher ce jour-là, pas plus que les jours suivants. Sous sa barque, Simon découvrit alors, terrorisé, un cadavre. Il s’agissait d’une femme, dans un état de décomposition avancée. Elle portait une veste en cuir et un jean. Simon détourna la tête. La première chose à laquelle il pensa fut d’appeler aussitôt la police. Mais ses dernières rencontres avec les policiers lui revinrent en mémoire tout aussi rapidement. Son passé de délinquant risquait de le faire passer pour un suspect facile. Simon jeta un nouveau coup d’œil rapide au corps, allongé sur la rive boueuse. Il ne pouvait pas le laisser ainsi. Il attrapa une grosse branche et commença à pousser le corps vers les roseaux et les herbes hautes qui bordaient la rivière. Son chien le regarda faire, à la fois curieux et inquiet. Et au moment où le corps disparut entre les joncs, l’animal se figea soudain et se mit à grogner. Dans les bois proches, un nouveau craquement se fit entendre. Simon, pris de panique, lança la branche dans l’eau et s’enfuit en courant vers sa voiture. Son chien suivait en aboyant de plus en plus fort. Les mains tremblantes, Simon ouvrit la porte de sa voiture, glissa la clé dans le contact et alluma le moteur. Son chien  sauta dans la benne à l’arrière.  Il continua d’aboyer férocement tandis que le pick-up s’éloignait vers la route.

Simon habitait seul dans une vieille maison paysanne. Ses plus proches voisins se trouvaient à plusieurs kilomètres. Tout en conduisant, Simon repensait au cadavre. Il ne pouvait pas le laisser ainsi, pourrir au milieu des herbes. L’image du cimetière de la crête se forma dans sa tête. C’était un ancien cimetière privé, où les familles du hameau venaient enterrer leurs proches. Plus personne ne l’utilisait aujourd’hui. En descendant par la rivière en barque, il ne faudrait qu’une petite heure à Simon pour y amener la femme morte et  l’y enterrer. Il pensa à cette idée toute la nuit.

Au matin, Simon découvrit que son chien avait disparu. Il le laissait d’ordinaire dans sa niche, dans le jardin, devant la maison. Mais elle était vide. Il l’appela pendant de longues minutes. Mais il ne revint pas. Cette absence rendit Simon aussi triste qu’inquiet. Cela n’était jamais arrivé. Le visage de la femme revint le hanter. Il devait la rejoindre. Il s’occuperait de son chien plus tard.

Il gara son pick-up à sa place habituelle, un peu plus haut que la rivière. Sur le sol, il remarqua des traces récentes  de pneus. Il descendit, le cœur battant vers la rivière. La barque reposait sous les fougères mais quelque chose attira son regard. La coque avait été salement amochée et une des rames était à moitié brisée. Il se glissa jusqu’aux herbes hautes et constata que le corps de la femme était encore là. Mais il vit qu’il avait été légèrement déplacé. Peut-être était-ce le mouvement de l’eau ? Ou un animal qui aurait cherché à s’en emparer. Il constata une bosse au niveau de la poche intérieure de la veste en cuir. Surmontant son dégoût, il avança la main et entrouvrit la veste. Trois épaisses liasses de billets de cent euros dépassaient. L’argent était là, tentant. Simon hésita puis arracha finalement deux billets d’une des liasses. Ils paieraient le transport vers le cimetière. Ou l’avocat si Simon se faisait prendre. Après avoir regardé rapidement autour de lui, il chargea le corps dans la barque puis s’éloigna de la rive, apeuré, en direction du cimetière.

A environ huit cents mètres de l’arrivée, il se sentit épié par quelqu’un et fut parcouru par une sueur froide. Il se dit qu’il devait garder son sang-froid car il n’allait pas tarder à arriver dans les parties plus rapides de la rivière. L’état de la barque ne le rassurait pas non plus. Plusieurs fois, il avait dû la vider du fond d’eau qui s’était accumulé.

A environ cents mètres du point de destination, il entendit le bruit puissant des rapides de la rivière, suivi presqu’aussitôt par le bouillonnement blanchâtre de l’eau se fracassant sur les rochers. Il commença à négocier le passage quand un énorme bruit de craquement se fit entendre sur la berge. Simon releva la tête et aperçut des mouvements de branchages. Quelques secondes d’inattention qui suffirent à ce que son embarcation se prenne un des rochers. La coque se fendit sur le côté et l’eau commença à entrer dans le bateau. Simon devait se dépêcher d’arriver là-bas.

A seulement trois cents mètres de l’arrivée, il entendit quelque chose courir en direction du bas de la rivière. Simon, tremblant, se retourna et vit une personne habillée tout en noir avec une arme à feu à la main. Pris de panique, Simon s’allongea dans sa barque et se cacha derrière la morte. Trois coups de feu retentirent, deux d’entre eux firent éclater les planches latérales de la barque. Le dernier traversa l’abdomen du cadavre pour finir dans la main gauche de Simon. Au même moment, la barque heurta un énorme rocher qui arracha tout l’avant de la coque. Une quatrième balle frappa le rocher dans une étincelle soudaine. Simon, sans réfléchir, agrippa le cadavre et plongea avec lui dans les flots tumultueux. Serré à cette bouée de chair, il dévala la partie la plus vive des rapides. 

Au bout d’une centaine de mètres, la rivière se calma aussi subitement qu’elle s’était emportée. Une anse paisible s’ouvrait sur la rive droite. Simon et sa dame étaient arrivés à destination. En pleurs, trempé, Simon tira le corps sur la berge et commença à le traîner vers le cimetière proche. Tout cela était complètement fou et absurde. Mais il ne pouvait se résigner à laisser cette femme, visiblement assassinée, sans sépulture. Jetant des coups d’œil inquiets autour de lui, il ne décela aucune présence. L’homme en noir devait se trouver plus haut, en amont.

Le cimetière familial se trouvait dans une petite clairière, cernée par une vieille grille envahie par le lierre. Simon la poussa dans un grincement et amena le corps jusqu’au vieux mausolée qui se dressait au centre. Avec difficulté, il fit pivoter la dalle qui en fermait l’accès. Dans quelques instants, le corps de la femme reposerait sous terre, parmi les autres cercueils.

Une douleur fulgurante brûla la jambe de Simon. Le coup de feu suivit juste après. L’homme à la capuche noire se tenait droit, le canon fumant de son arme au bout du bras. Un flot de sang commença à inonder la cuisse de Simon. En retenant un cri immense, il bascula en arrière et chuta dans le mausolée. Se relevant le plus rapidement possible, il tira la dalle et referma l’ouverture derrière lui. La tombe était de nouveau plongée dans l’obscurité.

Le sang visqueux dégoulinait sur sa jambe. Au-dessus de lui, Simon entendit les pas de l’homme qui se rapprochait. Dans quelques instants, il tirerait sur la dalle ou l’ôterait pour venir l’achever. Le cœur de Simon battait à tout rompre, son souffle se faisait de plus en plus court, des points lumineux se mirent à scintiller devant ses yeux. Au-dessus, un bruit mat se fit entendre, suivi d’un cri de l’homme puis d’une lourde chute. Simon n’en entendit pas plus. Il venait de s’évanouir.

A son réveil, il entendit deux hommes, au-dessus de lui, en train de parler. Ils ne reconnaissaient pas ces voix. Puis il ouvrit les yeux et découvrit un rayon de lumière devant lui. La dalle  du mausolée avait été entrouverte. Simon tenta de se redresser mais sa cuisse lui fit une douleur atroce. Il ne put s’empêcher de hurler. Les deux hommes apparurent par l’ouverture du mausolée. C’était deux gardes forestiers, tout surpris de découvrir Simon dans un tel endroit. Ils lui expliquèrent qu’ils avaient été attirés par les coups de feu et avaient ainsi découvert le corps devant le mausolée. « Mais l’homme en noir ? demanda Simon. Où est-il ? – Eh bien c’est lui dont on parle. Le corps mort dehors », lui répondit un des deux gardes.

Simon, aidé par les deux hommes, s’extirpa de la tombe. Le calme était retombé dans la clairière et sur le cimetière familial. Le corps de l’homme en noir gisait sur le sol, le visage bleu, défiguré par une expression de terreur extrême. L’arme se trouvait encore dans son poing serré. Simon parcourut lentement la clairière. Le corps de la femme avait disparu.

Tao DOUX, “L’impossible retour”

Après avoir bu un café, George s’installe au bureau, puis ouvre son cahier afin de poursuivre son roman en cours. Des semaines qu’il peine. Plus il avance dans l’histoire, plus les personnages sont réticents à s’y inscrire. George lit plusieurs fois l’unique page écrite la veille. Les quelques mots qui subsistent entre les ratures ne lui inspirent décidément rien. Constatant qu’il n’y arrive pas, il se lève et s’approche de la fenêtre. La neige qui s’est mise à tomber dans la nuit recouvre déjà la campagne.

Alors que George tente de faire surgir une image dans son esprit, autre qu’un vulgaire manteau blanc, des coups frappés sur la porte le sortent brutalement de sa rêverie. L’endroit où il vit est paumé et bien peu de visiteurs s’invitent sans prévenir.

George s’en va ouvrir la porte. Il découvre un vieil homme au sourire chaotique, vêtu d’un long manteau noir, coiffé d’un bonnet noir sous lequel débordent quelques touffes de cheveux accordés à la neige, et il porte un sac de voyage. George l’observe d’un air incrédule.

« Alors mon petit, tu me reconnais pas ? »

George a beau se creuser les méninges, il ne se souvient pas avoir jamais croisé ce type.

« Bon, tu veux que je te rafraîchisse la mémoire à l’intérieur ou tu me laisses geler sur place ! »

George invite machinalement le vieillard à entrer, et c’est précisément au moment où il referme la porte derrière lui qu’il remarque qu’aucune trace de pas n’imprime la neige.

Arrivé à l’intérieur, George demande au vieillard qui il est. Le vieillard lui demande de bien chercher et lui laisse cinq minutes pour réfléchir. George pense à ses amis, ses camarades d’école, aux lecteurs qu’il a rencontrés mais il ne reconnaît pas le vieillard. A la fin du temps imparti, George n’a toujours pas de réponse.

Le vieillard, sans un mot, rentre dans le salon, s’assoit confortablement dans le fauteuil de George et lui dit : « Je suis Lou Blier, héros d’un de tes livres d’horreur ».
George, étonné par la réponse, se remémore le personnage de son livre. Lou est un aventurier qui prend des risques, il est intelligent, tenace et cherche à se faire reconnaître par tous les moyens. Il lui demande alors comment et pourquoi il est sorti du livre.
Lou lui dit avec un rire énervé qu’il est là car il veut exister et ajoute que, pour cela, George doit finir son livre et le publier. George, désolé, lui répond qu’il ne peut pas terminer ce livre car il n’arrive pas à trouver de fin. Cela fait plusieurs jours qu’il essaie et il a peur de ne jamais y arriver. Il a donc décidé de commencer un autre livre. Lou lui propose de l’aider à trouver l’inspiration pour son livre car il veut exister ! Ensemble, ils traversent le salon pour aller dans la bibliothèque. En entrant dans la pièce, Lou découvre qu’il n’est pas le seul livre inachevé. Des dizaines de livres non terminés attendent que l’écrivain trouve l’inspiration. Lou se rend compte que George termine rarement ses livres. Il est déterminé à l’aider et à utiliser la ruse si besoin. Il prend son livre, l’ouvre et George est aspiré à l’intérieur.

Il se retrouve dans une pièce close. Le silence et le calme règnent. George se demande comment il est entré dans le livre quand soudain des milliers de mygales poilues et avec des pattes immenses sortent du sol en direction de George terrorisé. Depuis tout petit, il a une peur bleue de ces bêtes alors il court se réfugier dans un angle. Mais les mygales le rattrapent et l’encerclent. George croit que c’est la fin, il essaie d’escalader le mur et se répète que les araignées ne sont pas réelles. Quand les araignées lui sautent dessus, George est tétanisé mais elles passent à travers lui. Il comprend alors que les araignées ne sont qu’illusion.
George est bouleversé, son cœur bat très vite et il tente de reprendre sa respiration. Il ne comprend pas ce qui vient de se passer, cette situation est vraiment étrange.
Dans la pièce, une porte apparaît sur le mur opposé, George avance avec prudence. Il espère de toutes ses forces que la sortie est derrière la porte. Une main sur la poignée, il prend son courage à deux mains et entre.

La pièce est identique à celle d’avant mis à part une porte à l’opposé. George réalise que ce n’est pas fini, il se demande quel animal va arriver et il espère que ce sera des lapins.
Il commence à traverser quand tout à coup, dix serpents de vingt mètres de long avec d’énormes crocs à venin apparaissent et glissent vers lui. Mais George déterminé, se rappelle que les serpents ont peur du feu, il sort une boîte d’allumettes de sa poche et en allume une. Il enlève sa veste et l’enflamme. Les serpents reculent, George en profite pour lâcher la veste et s’enfuit vers la porte. Sans aucune hésitation, il l’ouvre et la referme à toute vitesse.

Le calme règne, c’est fini mais pas pour longtemps. George fait une pause en espérant ne plus voir aucune bête. Il pense à Lou et une énorme rage monte en lui. Lou l’a mis en danger et il ne sait pas comment sortir du livre. Si Lou a pu sortir du livre, il doit y avoir une solution et il doit la trouver.

Perdu dans ses réflexions, George ne voit pas qu’au milieu de la pièce, il y a une table avec dessus un crayon, une feuille blanche, un verre d’eau et une lampe. Il comprend alors que s’il veut sortir de ce livre, il doit le terminer et ainsi affronter sa plus grande peur.
George panique et repense à toutes ces années où il a essayé de terminer un de ses livres. Devant les pages blanches, il se sent souvent désespéré et énervé, il a la tête vide ou alors l’impression que ses idées ne sont pas bonnes. Il est triste et personne ne peut l’aider.
Il décide qu’il ne veut pas rester dans ce livre et qu’il est prêt à affronter sa plus grande peur. Déterminé, il s’installe au bureau, il prend son crayon et commence à écrire. Aujourd’hui tout est facile pour George, il arrive à trouver l’inspiration. Il écrit de nombreuses pages quand soudain toutes les lumières s’éteignent.

Lou Blier avec un sourire machiavélique vient juste de fermer le livre. Il le repose sur l’étagère et va faire sa propre vie ailleurs.

 


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